Suggéré par Landes Attractivité
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Hier soir a eu lieu le Laüsa#15 à Mimizan. Dominique Coutière, PDG du groupe Gascogne et fondateur de Biolandes, s’est livré sans détour. Ingénieur, entrepreneur, élu local, Landais viscéral… Il incarne cette génération d’hommes de terrain, visionnaires, ancrés dans leur territoire et guidés par le bon sens. Rencontre avec une personnalité rare, passionnée et profondément attachée à ses racines.

De l’ingénieur taiseux au créateur de Biolandes : l’aventure née dans un garage

Je n’ai jamais imaginé que j’allais travailler ailleurs.

Revenir dans les Landes n’a jamais été un choix pour Dominique Coutière. C’était une évidence.
Diplômé de Centrale Paris, il refuse les postes qui l’attendent à la sortie pour rentrer dans les Landes. Sans plan précis, il reprend le garage de son père et passe ses journées à changer des joints de culasse, des freins et des embrayages, le temps de trouver une idée.

Cette idée, il la trouve à 27 ans, au sein d’un petit groupe de réflexion qui réunit des acteurs locaux de la chambre de commerce, du parc naturel régional et de la région. Ensemble, ils s’interrogent : comment redonner vie à la Haute-Lande, alors désertée ?

Leur curiosité les conduit jusqu’au Québec, avec l’Office franco-québécois pour la jeunesse, où ils découvrent la distillation d’huiles essentielles à partir du cèdre et du sapin. « On s’est dit : pourquoi pas nous ? » raconte-t-il. De retour en France, il bricole ses premières distillations avec des lessiveuses et décide de se lancer.

Pour financer son projet, il sollicite l’ANVAR (Agence nationale de valorisation de la recherche), plaide son dossier à Grenoble devant des universitaires et obtient un soutien. Il convainc une banque de lui prêter 200 000 francs, et l’aventure Biolandes démarre.

Les débuts sont fragiles. Le rendement du pin est faible, les huiles essentielles ne rapportent pas encore. L’entreprise valorise alors ses déchets pour en faire du terreau, qui assure la trésorerie pendant plusieurs années. Peu à peu, Biolandes affine sa technologie, automatise sa production et se développe à l’international.

« L’essence de pin, c’est pour les pauvres », plaisante-t-il, avant d’ajouter plus sérieusement : « Notre vrai marché, on l’a trouvé avec le ciste, la rose, l’oranger ou l’ylang-ylang. »


De la Haute-Lande à la Bulgarie, en passant par l’Andalousie et la Turquie, Biolandes devient le premier producteur mondial de matières premières naturelles pour la parfumerie. Une success story née d’un garage, d’une forêt et d’une intuition.

Redresser Gascogne : un nouveau défi industriel et humain

En 2014, alors que beaucoup pensent à ralentir, Dominique Coutière relève un nouveau défi : sauver le groupe Gascogne, fleuron industriel landais au bord de la faillite.

Je ne l’ai pas cherché. On est venu me chercher. Mais c’était dans les Landes, alors j’ai dit oui.

Il met alors toute son énergie à moderniser ce géant du papier et du bois. Deux plans d’investissement de 100 millions d’euros chacun sont lancés, pour remettre à niveau les sites de production et retrouver la compétitivité perdue.

Le chantier le plus emblématique se situe à Mimizan, où sort de terre une nouvelle machine à papier, géante, de 360 tonnes, qui symbolise la renaissance de Gascogne.
« On a un cylindre de 360 tonnes qui tourne à 1 220 tours par minute », précise-t-il.
Cette machine remplace trois anciennes lignes. Résultat : avec 25 grammes de papier, on obtient la même résistance qu’avec 35 auparavant. Une prouesse technique et écologique.

Aujourd’hui, Gascogne fabrique sept familles de papiers techniques : des emballages alimentaires (pour McDonald’s, Leclerc ou Royal Canin), des papiers pour l’isolation, la cuisson ou les composites aéronautiques.

La force du groupe réside aussi dans la diversité de ses marchés. Aucun client ne pèse plus de 5 % du chiffre d’affaires, garantissant une stabilité rare dans l’industrie. « On n’est pas les plus gros, mais on est solides », résume-t-il simplement. Pour lui, la modernisation n’est pas synonyme de casse sociale :

On ne supprime pas des emplois, on supprime des métiers que plus personne ne veut faire.

Quant à la ressource forestière, il se montre confiant. Le massif landais, autrefois à 6 m³ de bois par hectare et par an, en produit aujourd’hui jusqu’à 15. Et pour cause : les Landes, avec 17 % de leur PIB issu de l’industrie manufacturière, restent l’un des départements les plus industrialisés de France — voire, plaisante-t-il, « le deuxième du monde ! ».

Territoire, bon sens et transmission : l’héritage d’un Landais

Entrepreneur, industriel et élu local, Dominique Coutière a toujours vu le territoire comme un tout. Président de la communauté de communes Cœur Haute-Lande, il relie économie, logement, environnement et emploi dans une même dynamique.
« Quand on s’engage pour un territoire, il faut le faire sous toutes ses facettes. Les salariés ont besoin de logements, les entreprises de routes et d’énergie. Tout est lié.« 

Sa parole est directe, souvent teintée d’humour, mais toujours guidée par une conviction : le bon sens.
« Il faudrait créer un ministère du bon sens ! » lance-t-il, mi-sérieux, mi-amusé.

Sa priorité désormais ? Mener à bien la transformation de Gascogne et assurer sa pérennité pour les cinquante prochaines années.
Un dernier conseil pour les jeunes Landais ? Il sourit : « Tu viens me voir. » Une réponse simple, directe, à son image.

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Landes Attractivité