Quand on rencontre Jérémy Lauilhé, on découvre un homme simple, passionné et profondément attaché à sa terre natale. Derrière son titre prestigieux de Meilleur Ouvrier de France Barman 2023, il y a un parcours jalonné de travail, de rencontres et de convictions. Son histoire incarne l’esprit landais : enraciné, généreux et tourné vers l’avenir.
Un enfant des Landes au parcours hors norme
Jérémy Lauilhé naît à Mont-de-Marsan en 1987, et grandi dans un petit village près de Tartas, à Carcen-Ponson. Il aime raconter que rien, au départ, ne le destinait à l’hôtellerie-restauration. Sa famille n’était pas issue de ce milieu. Lui, jeune adolescent, avait du mal à trouver sa voie. « J’avais de bons résultats scolaires, mais je ne me reconnaissais pas dans le cadre scolaire. J’avais besoin de concret, de sens », confie-t-il.
Le déclic vient d’une rencontre. Pascal Roussy, traiteur à Tartas, propose de l’emmener sur des mariages pour lui faire découvrir le métier. À 14 ans, Jérémy fait son premier extra : chemise repassée, nœud papillon emprunté au maître d’hôtel… et une révélation. « J’ai adoré. Ce premier extra a changé ma vie », se souvient-il.
La découverte du bar, une passion immédiate
Il entre au lycée hôtelier de Biarritz, encore adolescent. Là, il découvre l’univers exigeant de l’hôtellerie-restauration. Très vite, il se passionne pour le bar grâce à son professeur Jean-François Chirpaz. Ce mentor laisse la porte de sa salle ouverte aux curieux. Jérémy passe ses pauses à observer les élèves barmen travailler, fasciné par la mise en scène, le rapport humain, le côté théâtral.
J’ai su tout de suite que c’était ça que je voulais faire.
Mais le chemin est exigeant. On lui demande d’abord de passer un BTS plutôt que d’entrer en mention complémentaire barman. Pari relevé : il obtient son diplôme, puis enfin, intègre l’année de spécialisation tant attendue. Ce sera une révélation : il découvre les spiritueux, la rigueur, la créativité. Surtout, il trouve des modèles : Jean-François Chirpaz, mais aussi Pierre Dupouy, professeur de restaurant spécialiste du champagne et des spiritueux, qui l’accompagne lors de ses premiers concours. Il l’accompagne aussi pour la préparation de la finale de l’examen Un des Meilleurs Ouvriers de France Barman.
L’esprit de compétition comme moteur
Jérémy enchaîne rapidement les concours. Il adore l’adrénaline, le travail qu’ils exigent, mais aussi les rencontres et le réseau qu’ils permettent de créer. Il se fait imprimer des cartes de visite où il indique fièrement « Mention complémentaire barman – Lycée de Biarritz » et les distribue. « J’ai vite compris que les concours étaient un accélérateur. On se jauge, on apprend, on progresse. »
Son premier stage professionnel se déroule au Grand Hôtel de Saint-Jean-de-Luz, avant d’enchaîner sur un poste de responsable de bar à la Villa Ibarritz, près de Biarritz. Mais l’appel du large est fort. Avec sa petite amie de l’époque, il part à Saint-Barth, dans les Caraïbes. Sans piston ni réseau, simplement en envoyant des CV. Pari réussi : il est embauché… et deux mois après, à seulement 20 ans, il devient chef barman d’un hôtel 5 étoiles. « On m’a confié les clés du bar, j’ai dû créer une carte et monter une équipe. Ça m’a fait grandir très vite », confie-t-il.
Transmission et ancrage landais
Après cinq ans de vie outre-mer, il rentre en métropole, notamment pour soutenir son père souffrant. Il enseigne un temps au lycée hôtelier de Capbreton comme vacataire : une première expérience de transmission qui le marque profondément.
Il reprend ensuite un établissement à Dax, qu’il gère pendant sept ans. Puis, après une expérience à l’Hôtel du Palais de Biarritz lors de sa réouverture, il choisit une autre voie : créer sa société de consulting, BonBuvant. Son credo : accompagner les bars et restaurants, former, conseiller, tout en continuant à expérimenter et créer.
Transmettre, c’est comprendre qu’on n’est pas le premier à savoir, et surtout ne pas vouloir être le dernier
Aujourd’hui, cette mission de transmission se poursuit aussi auprès des jeunes barmen du territoire, grâce à la création il y a trois ans du Certificat de Spécialisation Métiers du Bar, porté par la CMA au CFA des Landes à Mont-de-Marsan.
Le rêve de Meilleur Ouvrier de France
Depuis 2008, il s’était fait une promesse : se présenter au concours de Meilleur Ouvrier de France Barman, quand il se sentirait prêt. Le Covid agit comme un déclencheur. Privé de ses enfants pendant plusieurs mois en raison de sa pathologie cardio-pulmonaire, il se réfugie dans le travail et décide de franchir le pas.
La préparation est rude : études théoriques poussées, reconnaissances de produits, épreuves de création. Le jour J, il présente une carte de cocktails où les produits landais ont une place de choix : armagnac, safran, kumquat, framboises locales… Le jury est conquis. En 2023, Jérémy décroche le prestigieux col bleu-blanc-rouge. « C’était le concours de ma vie. Je n’y allais qu’une fois, mais je voulais être prêt. »



Une philosophie : terroir et justesse
Aujourd’hui, Jérémy revendique une approche artisanale et locale du cocktail. Il source ses produits directement chez les producteurs : Yannick Fourney pour le Pelargonium, Philippe Sébi pour les agrumes et framboises, ou encore des safraniers et cultivateurs landais. De ces rencontres naissent des créations originales, comme son cocktail Clovergonium, revisite d’un grand classique avec gin, framboises et notes florales locales.



« Pour moi, le cocktail doit raconter une histoire. Il ne suffit pas qu’il soit bon. Il faut qu’il parle du produit, du producteur, du territoire », affirme-t-il. Cette démarche le rapproche des chefs étoilés, avec qui il partage le respect de la saisonnalité, des circuits courts et de l’authenticité.
Il défend aussi la démocratisation du cocktail. Pas question d’en faire un produit élitiste : « Le cocktail doit rester accessible, avec un prix juste, adapté à la réalité locale. »
Fier ambassadeur des Landes
Attaché à ses racines, il revendique haut et fort son identité landaise. « Je ne me verrais pas vivre ailleurs que dans les Landes », dit-il. Ce qu’il aime ? La convivialité, les fêtes de village, la proximité de l’océan et de la montagne, la richesse agricole et humaine du territoire.
En devenant ambassadeur de Landes Terre des Possibles, il souhaite mettre en avant ces valeurs au-delà des frontières. « Être landais, c’est partager ses valeurs et les porter ailleurs. Je trouve ça hyper chouette de pouvoir valoriser à travers moi mon travail et ce territoire. »
En Jérémy Lauilhé, les Landes trouvent bien plus qu’un ambassadeur : un artisan du goût, un passeur d’histoires et un amoureux de sa terre.
